16.10.22

Nos identités

Que tu viennes pour toujours, sans tambour, sans recours Quand le sort devient lourd Le ressort devient lousse Et le pas du parcours s'embobine dans sa brousse Un courriel suit son cour Ma chère amie Ce sera à ton tour Un jour

7.8.20

La paillle et la poutre

Enweille C’est tout comme Pas pareil C’est la somme des merveilles Des bonnes femmes Des bons hommes Des tout nu au soleil On la fait-tu la révolu... où bedon on attend d’avoir trop mal au cul Au Québec Moé j’en connais des fous Des malades qui ont tout Le cœur, la tête, les sous Un statut de poids lourd Des amis, des amours Pis câliss malgré tout Même avec deux p’tits becs Font rien avec Tabarnac que l’monde est mou Mou, mou, mou, mou Faut virer les blancs-becs Que le peuple à gauche à dwette.... Je rigole, capote-pas Autant s’faire couper un bras Plus capable De Facebook fascisant le monde Un grincement dans un moteur qui gronde Le retour de l’au-de la lune est ronde Ton opinion et tout le tralala immonde Comme partir en campagne pour Satan Des kidnappeurs de temps On est innocent Tape là-dedans Ça me tenailles Au tréfonds des entrailles N’importe yousse que j’aille J’essaie d’enlever la paille Si t’en n’a rien à foutre T’as peut-être la poutre En outre.

5.2.20

Mon monstre

C’est mon monstre
Non, c’est  pas du monde 
mon monstre

Il m’efface
me torture
me trappe et me trompe
Ma raison succombe 
(C’est pas du monde)

L’enfant me possède et j’ai peur du noir
Le livre est ouvert sur un abattoir
Chacun pour sa roche, chacun son sermon
N’est-il pas là le seul démon?

C’est mon monstre
Mon  immonde monstre
Qui m’obsède 
qui me ronge
Me suit dans mes songes
Il me vend la bombe 
Mon monstre

L’instinct du connard ou de la connasse
Pense à son cul et prend toute la place
Je parie un brun sur l’armageddon
C’est tellement bon, ce que nous fumons

C’est mon monstre.
Mon monstre l

Manger d’l’amour ou manger d’la marde
Ça pitonne en pensant que ça parade
Ça paye en plus pour pousser son nom
Deux point zéro, 
Ouin 
Bien profond!

C’est mon monstre 
Mon monstre
Pis ton monstre
est peut-être à peu près
patenté pareil à
mon monstre
(On gage, on plonge)

7.9.17

Les amours du monde



S'il eut fallut que j'eusse cru 
ne serait-ce qu'une microseconde 
la première fois , quand je t'ai vu 
que tu ne fusses jamais ma blonde 

J'aurais maudit le monde
Et les amours du monde

Oussé qu'on était rendu?
Ouin c'est ça!
Dans les amours du monde

Nos égos mangent tout crû
La terre encore féconde

On se fait des saluts
Du fin du fond au fil des ondes

Les kilomètres ne comptent plus
Dans la nuit, ton cœur, une sonde

Transmission infinie
Réception entre amis
Sans wifi sans souci 
Tant que ta fesse est ronde


Et pis les deux tant qu'à!

21.11.15

L'air laid



Télévore,

 boulimique d’images en canne

Tous ces corps, ces décors constituent le réel

Même le sport, les quiz , les pubs et les shows de boucane

La télé sans censure, réalité poubelle


Abonné aux magazines les plus tendances

Vanity, Marie-Claire, Elle et Summum

ces formes informent dans un oeil qui balance

des boules de Kardishian aux beaux bras de son chum


Tous les blogues santé, bien beauté et mode bobo branchés du web

tous les jeux d’action ou de rôle où l'on crève

Bien bourré des mille clichés

 beaux adverbes

je frémis  du bout de mes mamelons imberbes

Mais je dois sortir dehors une fois par semaine

Le café est moins fort 

pénurie de crème

Tâche éléphantesque 

trainer ma bédaine


sans effort me vient cette rengaine


Le monde est donc bien laid

 je le vois de mes yeux, vu

Les filles ont des énormes cuisses

 et des peaux de grenouilles
Les gars ne sont pas tous tatoués 

même pas plus beaux tout nu

Et ceux qui sont musclés sont fringués en fripouilles

Le monde est tellement laid 

sans abdos bien découpés

BBQ bronzés

Les femmes font elles exprès


pas poupées Walt Disney

Les hommes même pas tous grands 

 ce gros monde paraît en plus trop vieux

Faudrait faire un effort

 vous maquiller un peu.


Pas d’allure comment le monde est laid

On dirait qu’y ont pas l’câble

Au moins là j’ai mon lait

Aller tous être laids chez l’yâble



20.7.15

Femmes à barbe en bikini




 (pour me défouler un peu...)


On a ben beau dire qu’l’hiver est frette par icitte
Il est surtout long et dur comme ma fuckin bite

On a ben beau honnir cette vérité vulgaire

Six mois de cul qui nous laisse tous la plotte à terre

 

Semi-bandé dans mes bobettes à nourrir mes bebites

Par dépit,  dépressif, déboulonnant mon propre mythe

Un héros moribond et valétudinaire

Un bozo, un colon, un roi, un rastaquouère

 

Je suis sauvé quand les bijoux de rosée brillent

Quand les fleurs repoussent sur les trottoirs de la ville

Les peaux sont douces et flotte le parfum des filles

Manquerait ben juste qu’elles portent toutes des talons aiguilles.

 

De pores en pores, ça sent, ça sue, ça pue l’désir

Orgie de phéromones qui l’enmieute ou l’empire

Et moi je bave comme un cave, un satyre, un maniaque

Ostie de calliss qu’la nature est belle tabarnac

 

Poupounes à deux boules ou bimbos blondasses qui louchent et douchettes en tite babouches

Poupées toute tatouées mettent la libido à la bouche

Sauf que ma soif est tout sauf simple et sustentable

Et que la commune des mortelles m’est exécrable

 

Oui, Ah oui je jouis

Dans la multitude des anatomies

Entre les transgenres et pis les hommes bis

Moi je capote su’é femmes à barbes en bikini

 
C’est pas un hipster en monokini

pas ta soeur en hormonothérapie

C’est une vraie de vraie femme à barbe en bikini.

13.1.15

L'histoire sans-dessein.

 Charlesbourg 1983

La rue Hoffman,  tout comme les rues attenantes, tenait son nom d’un ancien curé de la plus vieille paroisse de Charlesbourg, tout comme la rue Paiement, Godbout, alouette. Une vingtaine de bungalows s’y côtoyaient à une exception près, le bloc. Un bloc en clabor  blanc de trois étages, construit dans les années quarante, semblait tout désigné à abriter les gueux du coin et leurs enfants, des rejets, évidemment. J’y demeurais, au deuxième étage avec ma mère et ma sœur dans le même appartement qui avait été le point de chute de mon grand-père et de ses 7 enfants trente ans auparavant.

Quoique ma famille ait été d’une classe plus que moyenne, les pauvres du coin étaient plutôt ceux de la rue d’en arrière, casés dans le seul vrai bloc à appartement en briques brunes du quartier. Ces malfamés aux mains collantes (pour moi, tous les pauvres ont les mains collantes à cause d’un excès de Mr. Freeze et de boules noires)  constituait un groupe ennemi.

En solo, chacun était plutôt buvable et j’avais même quelques amis dans le lot. Mais en groupe, c’était une grosse bande de caves plus vieux que nous, qui venait détruire nos fabuleux forts de neige. L’automne venu,  ils profitaient de la dénivellation de la rue pour nous balancer tous les fruits de deux vieux pommiers qui venaient s’écraser plus bas, sur la partie plane de la rue, prêt du lampadaire qui était le centre de notre monde, surtout le soir. Notre monde. Cette rue, son asphalte patchée et un terrain vague, chose rarissime dans le coin, que nous avions fait nôtre.

En cette chaude journée de la fin d’un été toujours trop court  et qui me menait vers l’étape ultime de mon cursus primaire, la bande au grand complet était assise côte à côte, sur une chaîne de trottoir ombragée par une petite masse de peupliers. Entre deux parties de baseball dans la rue, nous profitions d’un peu fraîcheu. Nat était assis au mileu du chemin, sur le couvercle du trou d’homme qui faisait office de marbre de nos partie de balle. Perdue dans ses pensées, elle attendait de reprendre sa place d’éternelle receveuse. Face à elle, s’alignait la bande habituelle : Marco, Gre, G, Bison, Petit Faf, Fanroi, ma sœur et moi. Le niaisage habituel avait cours. La discussion était pour le moment complètement nulle étant donné le bruit assourdissant que faisait la vieille tondeuse des Faf. Grand Faf avait pris sur lui de maintenir ras le gazon du terrain vague, plus par goût des moteurs bruyants que par civilité.

Nous flânions donc en silence. Arrachant des brins d’herbes uns à uns, écrasant les fourmis égarées, regardant valser les petits éclaircis de soleil flirtant à travers les feuillages. La tondeuse se tu.

-Y était temps ciboire, marmonna Fanroi en faisant passer d’un geste sec, presque brutal, la balle jaune de sa main nue à son gant de baseballé

-J’ai pas hâte de le voir avec un char c’te grand dadais-là. Y va s’penser bon. ajouta ma sœur sous sa  permanente bien sphérique surplombant d’immenses lunettes rouges. En tout cas, on est mieux qu’au patro. Chus ben contente cette année de pas y avoir été. Depuis que je suis dans les 4-H, ma mère m’oblige plus.

-Moé j’aimais ça le patro, dis-je par esprit de contradiction. Mais les 4-H c’est vraiment le fun.

-Fuck les 4-H., s’emporta Marco dans un but évident de provoquer gratuitement.

-Ta yeule bouffon, dit Gre, t’es même pas dans les scouts. Là t’aurais le droit de bitcher les 4H.

Fanroi en avait assez de notre gossage. Il sacra une bine à son petit frère G. non pas pour le saisir mais pour attirer notre attention.

Ouch  caliss!  G  se rua sur son frère comme un pirate à l’abordage. Fanroi se bidonnait. Il contenait facilement ce petit bout d’homme, sa copie conforme avec 30 livres et 1 pied en moins.

Si je te lâche, tu arrêtes-tu? demanda le grand frère sous un ton menaçant qui sous-entendait toute une mornifle.

Pendant ce temps là, Bison, par dépit - sa fratrie se battait sans lui - me coucha  sur le dos, les deux genoux sur mes bras afin de me tenir bien immobile. Il s’amusait à faire descendre un gros filet de morvia  de sa bouche. Au dernier moment, alors qu’il allait atteindre ma figure, il aspirait la salive gluante du coup sec pour mieux recommencer. Ce petit jeu de yoyo devint vite l’attraction du moment. Malgré que Simon fut un professionnel du clam ainsi que du rot –il pouvait dire osti de calliss de tabarnac en rotant, d’un seul trait- je craignais que le mince fil de bave cède. Aidé par un claque derrière la tête, gracieuseté de Fanroi, le crachat de Damoclès fondit sur mon front dans toute sa viscosité.

Tout le monde rigola. Moi moins. Les rires stoppèrent net. Le père Faf  remplit la rue de sa voix colérique. Nous vîmes alors Grand Faf passer en courant sur le terrain devant sa maison, la contourner et filer vers la cour arrière. Le grand sec était poursuivi par son père qui brandissait une ceinture en vociférant. Le silence se fit dès qu’ils eurent disparus derrière la maison. Chacun eut alors un frisson glacé à imaginer la suite.

-Ouin, je pense que vais rentrer chez moi, marmonna Petit Faf de la voix nasillarde que lui donnaient ses barniques pesantes. Il souleva son corps fluet et marcha vers le bungalow familial comme un condamné, dans l’indifférence la plus totale.

C’est que nous étions déjà tous en route vers la cour des Nolette, de l’autre côté de la rue. Il y trônait une piscine hors terre sertie d’un deck de bois écoeurant. Il faut dire que le père Nolette était associé dans une boîte d’architecture. La maison était sans contredit la plus belle de la rue, même comparée à celle du médecin, en biais, plus bas.

La fratrie possédait donc un ascendant social indéniable sur le reste de la bande. Du moins, ils suscitaient une certaine admiration ou envie. Jamais, par contre, ils ne nous le faisaient sentir ou remarquer directement. C’était plus subtil.  Pas de lutte de classe. Tout résidait dans l’aspect des choses. Si ta maison, toi, ton linge, était laid, comme celle de Gre, cela devenait un objet de risée. A posteriori, je comprends que c’est du pareil au même.

Fanroi mit alors son éternel manége en marche. Marco et Bison n’allaient pas tarder à s’inviter dans la ronde.

-Eille. Bison, c’est comment donc que tu l’as appelé l’autre fois notre gros Grelu, ?  demanda Fanroi.

-Grebibatte, répondit Bison

-Ha ha ha (rire général).

-Fanroi, caliss, c’est même pas drôle vos farces. Stie que vous êtes jeunes, vous autres. Vous avez toute des frames de chats. retorqua le colosse.

Gre! grogna Nath.

 Moi j’ai faim de toute façon, y est déjà 3h00. J’vas aller bouffer, conclut Gre, en quittant la cour sans plus de manière.

-Va-t-en gros tabarnac. Tu pues. Y dois être faite en marde, c’te gros estie de ciboire du grosse bouse de caliss pleine de marde, beugla Marco au gros qui était déjà à distance raisonnable.

Il se mit ensuite à rire comme un cave. Il était toujours son meilleur public. Il poursuivit ensuite dans sa fougue habituelle.

-Retourne avec ta mère pustuleuse pis ton père avec sa perruque de moufette écrasée. Dans ta criss de belle cabane en blocs Lego. Ha Ha Ha!  Pis ton frère, y es-tu capable d’aller pisser tu seul maintenant? Gre-lu! Grel-lu!

Toujours sans queue ni tête, sa gerbe d’insultes envers Gre était pour nous plus que convenue. C’était devenu banal et aujourd’hui je me rends compte à quel point Gre nous aimait pour avoir enduré tout ça.

Marco n’était plus arrêtable.

-Tchèquez la gang – il avait roulé ses manches et faisait des push-ups avec style, en soufflant comme un buffle. Il en rajouta.

-. Pensez-vous que Gre serait capable de  faire ça avec son trois cent livres de graisse de chips. Marco se mit à rire si intensément que ses bras cédèrent et, se roulant dans la terre brunes et humide, beurra  son beau t-shirt.

Tous s’esclaffèrent.

-Criss que t’es innocent, t’es tout crotté, lança Jeep.

 -M’en fous, j’en ai plein du linge. Mon père y fait du cash pis mon parrain y a une Lamborghini. Fa qu’un t-shirt des Nordiques laitte, j’en fous.
Il attrapa alors le col de son t-shirt à deux mains et le déchira de bas en haut, non sans difficulté.

-AAARghhh! Hulk! fit-il.

-C’est vrai. T’es quasiment aussi laitte, dis-je, en feignant une méchanceté qui ne me seyait guère.

T’en rappelles-tu quand t’étais jeune, tu voulais nous faire à croire que ton père était vraiment l’incroyable Hulk. Étais-tu vraiment stupide ou tu pensais-tu que nous, on allait croire quelque chose de zouf de même, opina Fanroi.

-Pfeuh! Chus fort en criss, ça c’est vrai! Mon père est peut-être pas Hulk pour vrai mais il est fort comme Lou Ferrigno. Il s’entraîne.

-Entretemps, Bison et G étaient allé chercher dans le cabanon, un restant de teinture verte au créosote- sûrement un restant de la teinte des clôtures de bois- dans le but évident de faire un mauvais coup. Bison interrogea le mini-macho au torse nu.

Veux–tu ressembler vraiment à Hulk, enwoye ça va être cool. Après on va aller faire peur à petit Gre, proposa Bison comme si c’était quelque chose de normal.

-T’es-tu malade, ça tache mort, protesta Marco.

C’était le moment choisi par Fanroi pour lancer la traditionnelle réplique qui rend toute contre-argumentation impossible.

-T’es même pas game petit con!

Sans prendre le temps de réfléchir, ce qui était la norme dans son cas quand il entendait « T’es pas game », Marco se laissa peindre le torse et la face à la teinture verte.

-Pouahh! Criss pas dans bouche Bison, c’est dégueu.

Fanroi, riant tellement qu’il était tout rouge, plié en deux.

-Ok, c’est beau, fait ton Hulk! Commanda Bison en riant.

Il s’exécuta de manière admirable, la bouffonnerie étant sa spécialité.
Alors que l’on se bidonnait ferme, la mère des Nolette qui devait venir juste d’arriver mais que l’on n’avait pas entendu, fit glisser le moustiquaire de la porte patio afin de souligner sa présence. À la vue de l’imbécile couvert de teinture verte, elle lança sèchement :

-Bison, G, venez ici tout de suite, j’ai à vous parler…

 À mon avis le gaspillage de teinture était plus une faute pour elle que le barbouillage terroriste du corps de Marco.

Étrangement dociles, les deux frères s’exécutèrent sonnant le glas de cette sombre comédie. Marco et moi remarquâmes alors que Fanroi avait eu le réflexe de se pousser avant l’arrivée de sa mère. S’il avait bien entendu la petit Toyota se garer, il ne s’était visiblement pas donné la peine d’en glisser mot à ses deux frangins. Personne n’en avait eu connaissance. Ma sœur avait elle aussi filé à l’angolaise.

Nath, quant à elle, ne trouvait jamais drôle nos mesquineries, par incompréhension ou un absence de sens de l’humour évident. D’un geste athlétique, elle bondit par-dessus la clôture qui séparait la cour des Nolettes de la sienne et disparu à son tour, pour souper.  C’était notoire, sa famille mangeait à l’heure de poules, soit quatre heures.

Soudainement devenu un duo, moi, et Marco qui  n’était nullement gêné par son épiderme vert,  nous dirigeâmes d’un pas indolent de presque ado vers notre cachette secrète.

Ce camp, comme nous appelions tous les endroits ou nous aménagions de façon sommaire un semblant de confort, n’était en fait qu’une petite clairière d’un mètre carré dans une masse de renouées du japon. Cette plante, un genre de bambou hyper envahissant, pousse de 2 mètres en un mois et la densité et son feuillage en fait un parfait  havre d’intimité. Située dans un endroit pas très bucolique, cette masse végétale touffue poussait le long d’une clôture en grillage de métal séparant le stationnement de gravelle de mon bloc de celui du bloc brun des pauvres de la rue Trudelle.


Marco et moi se retrouvions souvent en ce lieu et y faisions souvent, tôt dans la journée, notre plan de match  journalier. Marco et moi étions de très bons copains ou plutôt, j’étais le sien. En fait, je me sentais prisonnier de son amitié excessive. Hyperactif évident - il ne sera diagnostiqué seulement que vers trente ans - il se levait à l’aurore et ma mère, qui le jugeait avec trop d’indulgence car son père était une ami d’enfance, le laissait attendre mon réveil dans ma chambre lorsqu’il se pointait à 7h00,  tous les matins que l’été apporte.

Marabout au possible dans les premiers moments d’éveil, je ne manquais pas d’émettre quelques commentaires désobligeants à son endroit lorsqu’en ouvrant l’œil, je l’apercevais assis dans le divan lit brun près de mon lit, lisant un Astérix ou un Archie.

-Ah non! Va-t-en, je dors. Laisse-moi donc de moi vivre! gromelai-je.

Lui, plutôt, était d’une patience absolue face à mon sale caractère.

-Ben non Steve, capote pas, il fait beau, lève-toi paresseux, c’est l’été.

Si j’avais été violent, je crois que je l’aurais sorti à coup de poing mais déjà cette époque, Marco était fort athlétique alors que moi j’ai toujours été un maigrelet chicot. Ce gars voulait être mon ami, un des meilleurs que l’on puise avoir. Fidèle, présent. En quatrième, alors que j’étais nouveau dans l’école et demeurait dans les blocs de la rue Paul-Comptois, il avait trouvé mon adresse et un soir, était venu me chercher pour jouer.

Mon premier ami du coin. On s’est toujours bien entendu, même quand il a volé les billes lunes mastodontes de ma soeur avant d’avouer son crime et de lui rendre afin de pouvoir demeurer pote avec moi. Faut en vouloir des amis pour renoncer à un tel butin.

Moi, enfant, je ne voyais que la tache à marde en lui et en cet après midi, dans notre cachette de bambou polaire, j’ai pété ma coche. Peut-être parce que je me suis retrouvé subitement seul avec lui après que l’on l’ait ridiculisé en groupe. Le voir, accroupi, la peau verte comme le géant des cannes de petits pois lui donnait un air si stupide que je ne pouvais pas considérer plus longtemps être associé à cette pitrerie ambulante. Marco avait compris depuis belle lurette l’adage qui veut que si on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand-chose. Il l’avait en fait complètement assimilé et n’était que risée.

C’est quand il sortit son paquet de cigarette que je virai fou.

-Non, pas encore, ça pue ça, C’est con.

-Ben non, tapette. C’est parce que t’es pas game. Je suis plus mature que toi, c’est tout.

Son paquet était tout blanc, sans marque ni nom. Un homme mystérieux qu’il avait rencontré à L’OTJ lui en donnait un par semaine. Supposément pour tester des nouvelles sortes. Un test humain sur un enfant de neuf ans. Édifiant.

Il en alluma une avec les allumettes fournies, elles aussi, par l’inconnu au grand cœur.

-Regarde, je peux fumer onze lignes d’une seule puff.

Son défi était de fumer une cigarette d’un seul trait. Les petites lignes imprimées qui strient les cigarettes étaient la jauge de ses progrès. Il s’entraînait.

-Euhff!  Euffh! s’étouffa-t-il avant de vomir un petit coup dans les bambou derrière lui.

-Eille, tu vas toute salir notre place.

-Pis!

-Pis  chus tanné d’être ton ami!

Il devint pâle ce qui n’eut l’effet que de faire virer sa peau d’un vert feuillage vers un vert tendre.

-Steve???

-J’ai décidé que je ne voulais plus être ton ami! dis-je, la voix tremblotante.

-Euff! Il s’étouffa de nouveau.

-Je veux plus te voir, je ne veux plus que tu viennes me réveiller le matin, que tu m’appelles non plus.

-Pourquoi?

Il pleurait à chaudes larmes.

-On est pas pareil toi et moi. Je suis pas un sportif moi. Je suis sérieux, bon à l’école pis toi tu fais toujours le con.

Je ne pus poursuivre plus longtemps ma rhétorique boiteuse. Marco, la voix pleine de sanglots et les yeux noyés me supplia avec verve et sincérité de rester son ami. Son seul en fait. Les autres ne faisaient que profiter de son envie d’être aimé. Il me convainc. Sous condition de ne plus venir tôt chez moi pour attendre que je me réveille. Il accepta bien sûr mais la résolution ne dura qu’une semaine, le temps de purger une prévisible punition. Il fut reclus chez lui par sa mère, le temps que sa peau reprenne une couleur humaine. J’allais jouer chez lui l’après-midi. Sa mère me citait toujours en exemple. Pourtant.

Après avoir souper, le noyaux dur de la bande se retrouva encore une fois sous le lampadaire devant la maison des Fafs. Les Nolettes et moi, de manière spontanée, nous rencontrions toujours le soir venu. Marco, absent cette fois-ci, trempait probablement dans le varsol sous le regard découragé de sa wallonne de grand-mère.

L’hiver venu, lui, les Fafs et ma sœur venaient grossir la troupe afin de rendre les matchs de hockey plus intéressants. Nous jouions alors dans les sens de la largeur afin de ne pas toujours courir la balle. J’ai peine à imaginer que cela soit désormais source d’intolérance. Je me demande bien ce que nous aurions faits de ces centaines de soirées ou le rire, la compétition et la violence bien sûr rendait notre vie aussi excitante qu’une échappée de Peter Stastny.

Les deux filles, Nath et ma sœur, étaient particulièrement habiles à ce jeu hivernal, car plus âgées donc plus corpulentes que nous. De plus, ma sœur avait le kit complet de la partisane ultime des Nordiques. Le manteau, la tuque à pompon et les gants fleurdelisés lui donnaient un look de fanatique attardée. Le genre qui s’assoit sur le banc des innocents dans le bus en balançant son tronc d’avant en arrière.  Encore une autre différence majeure avec notre époque, les gens choisissent maintenant cette place en premier dans l’autobus, se consacrant eux-mêmes innocents par le fait même, d’autant plus qu’ils ne se lèvent pas quand des vieux  embarquent, ce qui confirment l’état mental desdits morons. Dans le cas de ma sœur, on ne pouvait dire que son apparence s’accordait avec sa personnalité tellement elle était brillante et performante à l’école. Par contre, cet accoutrement ridicule s’accordait bien avec sa fougue dans ce sport.

Or, ce soir-là, nous n’étions même pas assez nombreux pour faire une partie de botte-la-canice digne de ce nom. En temps normal, les après-midi de baseball de rue étaient à coup sûr suivies par des soirées de cachette extrême. Le lampadaire faisant office de base autour d’un territoire savamment défini.

Alors que nous nous demandions le reste de la bande allaient se joindre à notre flânerie, Gre se pointa, arrivant par l’entrée de sa maison, un restant de bouteilles de Coke à la main. Dans le soleil couchant, cela avait toutes les allures d’une pub sociale sur l’obésité. Alors qu’il s’apprêtait à venir poser son gros derrière près des nôtres déjà bien installés sur la chaîne de trottoir, sa mère sortit sur la galerie pour héler notre gras compagnon.

-Pha-a-ane! (C’est le sobriquet tout maternel qu’elle donnait à son gros bébé)

-Quoi là! répondit-il d’une manière sèche comme si elle venait d’interrompre une opération à cœur ouvert. Ma mère m’aurait grondé pour moins que ça. La sienne semblait y être habituée.

-Phane, oublie pas que tu m’avais promis de ramasser ta chambre après souper.

Le géant s’emporta en criant de plus en plus fort de cette voix d’enfant aussi grave que celle de plusieurs hommes adultes.

-C’est pas rien que ma chambre, mon frère aussi fait le bordel.

-Faut que tu donnes l’exemple pis c’est à toi que je le demande mon beau. répliqua-t-elle le plus autoritairement possible, ce qui, à mes oreilles, sonnait presque comme un encouragement.

-C’est beau, j’ai compris, tantôt! Conclut-t-il en se laissant choir sur la bande de pierre bordant la rue.

Fanroi sentait le besoin, d’en rajouter à cette petite humiliation publique.

-C’est vrai que c’est pas ton frère qui va t’aider à ramasser, y a pas l’air bon à grand-chose.

-Ta yeule!

- À part le Commodore 64,  y a aucun talent! Y vient pus jamais jouer au hockey pis quand y vient au baseball, personne le veut dans son équipe. renchéri Bison.

-Criss, y a mon âge! précisa Jeep.

Gre eut alors un mot qui cloua le bec aux frères.

- Peut-être, mais quand tu seras aussi fort que lui sur un ordinateur, je vais me faire poser un vagin dans le front.

Le tas de viande avait une propension certaine à la vulgarité qui ne cessera de s’accentuer avec les années. Après dix secondes de silence, je tentai d’apporter le débat ailleurs.

-J’ai vu à la télé qu’un jour, on aura tous un ordinateur chacun.  Moi chus prêt, j’ai déjà le mien.

-Ouin, c’est un Vic 20, c’est dépassé. Qu’est-ce que tu veux faire avec ça. Ça te prend au moins 64K, comme le notre. Au moins c’est mieux que le Texas instrument de Marco.

-Pas grave! Je l’aime mon Vic 20, y est neuf.  Pis les jeux sont l’fun. Pas hot comme les jeux olympiques sur ton 64 mais quand même. Toi, c’est la manette qui fait la différence. avançai-je.

Alors que Gre s’apprêtait à acquiescer, la voix empâtée de fructose de sa mère rebondit sur l’asphalte.

-Pha-ane! Ta chambre!

-Oui, oui dans deux minutes! mugit-il.

Le trio Nolette saisi la belle occasion.
-Phane!Pha-aaa-ane! Phaphane! Phephane!

-AAAAAAH! rugit Gre en beau caliss.
Vint alors le coup fatal. La mère Grelu, impatiente malgré son calme de tortue des Galapagos, sorti une troisième fois sur le balcon pour appeler son gars afin qu’il entre faire sa corvée.

-Pha-a-ane! Phane! Ta chambre! Phane, ta chambre a’pleure!

Cette phrase nous fit tous crouler de rire. Nous rigolâmes ainsi pendant une bonne dizaine d’années. Elle fut aussi l’inspiration pour une chanson dédié à notre copain Gre. Écrite à la va-vite pendant mon cour de psycho-cochonne et décomposé d’un vieil air country-western, ce fut l’une de nos premières compositions. Vibrante d’émotion.

Gre parti consoler sa chambre, nous nous retrouvions donc que quatre
bougres. La soirée risquait de prendre une tournure un peu ennuyante. Je proposai alors une petite virée au dépanneur. Situé dans le sous-sol d’une maison unifamiliale de la rue Trudelle, notre petit dépanneur était tenu par un couple. La moitié féminine du duo tenait le fort la plupart du temps. Suzanne, une belle femme rousse dans la quarantaine, était d’une douceur, d’une patience et d’une compréhension peu commune avec la bande de joyeux morveux que nous étions. Il faut dire qu’à cette époque, les bonbons se vendaient à la cenne ou même trois pour un cent. Vu q’on en demandait quelques fois pour près d’un dollar, Suzanne sortait une vielle balance en cuivre et y allait à l’œil, ce qui bien sûr était souvent à notre avantage.

-Moi j’ai 35 cennes, je vais pouvoir m’acheter un chips Hostess au ketchup, dis-je avec fierté.

Les deux plus jeunes ayant déjà dépensé leur allocation, ils sautèrent sur leurs bécanes pour aller dénicher quelques bouteilles vides gisant dans les recoins du terrain du jeu ou les ados allaient prendre leurs premières cuites. Ils étaient revenus moins de dix minutes plus tard avec chacun deux bouteilles, soit un gros dix cents de bonheur.

Nous fûmes vite de retour de cette courte expédition, à nouveau assis sur la chaîne de trottoir, sous la lumière jaunâtre du lampadaire. Jeep et Bison avaient eu juste assez pour des petit jus en sacs trop sucré, tandis que Fanroi moi avions notre chips Hostess au ketchup, le summum dans le genre, complètement rouge de saveur. De plus, un sac sur deux contenait un coupon offrant un deuxième gratuit. Le record vient de Fanroi qui en a mangé quatre en ligne en payant seulement le premier. Alors que nous nous échangions chips rouges contre gorgées de jus bleu, Fanroi engagea la parlotte.

-J’ai écouté l’album de Police, l’autre fois. C’est vraiment bon.

Jeep sursauta

-Eille. C’est mon band ça. Choisi-en un autre. C’était pas les Beatles toi.

-Moi c’est Kiss en tout cas, rota Simon.

-Moé, j’aime plus la radio, je me fais des cassettes en écoutant CFLS. Des fois chus pas assez vite pis je manque le début de la toune. Pas grave, ça fait comme des mixes, dis-je, sûr d’être à la fine page.

-Ouin, c’est vrai que les Beatles c’est le meilleur groupe de tous les temps.

-Abbey Road, c’est le meilleur disque, renchérit-je.

En fait, mis-à-part les deux albums compilatoires rouge et bleu, je n’avais qu’Abbey Road à la maison. Lorsqu’on avait emménagé là, j’étais tombé sur des vinyles que la locataire précédente avait laissés dans ma chambre : celui de Beatles, que j’adorais ainsi que Houses of  Holy de Lez Zep et Dark side of the Moon de Pink Floyd. Les pochettes m’intriguaient mais je trouvais la musique plate. Pour Pink Floyd, mon opinion n’a à peu près pas changé depuis.

- Le meilleur, c’est Sergent Pepper. affirma Fanroi.

Il poursuivit.

-C’est même le meilleur album de tous les temps de tous les groupes de toute la terre.

-Ah ouin!!? douta Bison.

-Eille, c’est moi le king en musique. Je vous ai tout fait connaître vos groupes que vous aimez, s’offusqua Fanroi. Je te dis que c’est bon. Venez, on va allez l’écouter voir.

Jeep se leva en disant.

-J’va allez demander à la vieille si Tarzan peut venir dans la cave avec nous autres

Jeep ressorti rapidement pour confirmer la réponse maternelle. Nous descendîmes alors dans le sous-sol bien aménagé des Nolettes. En fait, c’était plus beau que la plupart des salons que je connaissais. Fanroi, sortit alors le fameux album des Beatles et le déposa sur la table tournante. Nous écoutâmes la pièce titre sans dire mot. Alors que les deux plus jeunes frères examinaient avec curiosité l’étrange collage de la pochette en essayant de reconnaître quelques personnages, Fanroi et moi, bien calés dans le sofa mœlleux, furent pris de catatonie aux premières notes de She’s Leaving Home.

-C’est vrai que c’est trop bon. J’capote, dis-je, émergeant d’un coup de la transe dans laquelle la musique m’avait transporté.

-Y rien de meilleur. Personne va jamais battre ça. répliqua Fanroi.

-Exagère pas, dit Bison, tu connais pas tout. Y a peut-être des groupes meilleurs encore.

-Ta gueule p’tit con. Les Beatles ont battus tous les records et ils tiennent encore.

-On verra gros tas! répondit sèchement Bison, frustré de s’être fait fermer le caquet encore un fois.

Évidemment, Fanroi, pas vraiment gros mais plutôt joufflu, ne se laissait jamais insulter de la sorte. Bison subit donc un rossage en règle jusqu’à ce qu’il pleure, en boule dans le divan.

L’avenir lui donnera raison. L’année suivante, Michael Jackson vendit 25 millions de copies de son album Thriller (sur un total de près de cent million). Un record toujours en vigueur et qui ne sera sans doute jamais battus, quoique pourraient prétendre les distributeurs, l’industrie ayant bien changée.

Le père Nolette ne tarda pas à descendre pour apprécier la situation, Le cris et les pleurs de Bison furent suffisants à sonner la fin de cette récréative écoute.

-Je veux plus rien entendre! C’est-t-y clair?

Bison calmé, un Fanroi satisfait, interroga le petit groupe.

-Ça vous tenterai-tu qu’on se parte un groupe?

Les deux autres frangins acquiescèrent. Je n’était pas certain que le projet soit viable.

-On va-tu être nos quatre? interrogeai-je.

-Les Beatles étaient quatre. C’est le nombre parfait pour un groupe, rétorqua Fanroi catégorique et certain de son arithmétique musicale.

-Moi je vais jouer de la guit, dit Bison.

-Moé du drum, dit Jeep.

-Parfait, moi, je veux jouer de la bass comme Paul.

-Pis tu y ressemble en plus, opinai-je.

En fait, c’est ma sœur qui avait remarqué cette ressemblance.

-Pis moi, faut-tu que je chante? Chus ben que trop gêné. Va falloir que je pratique en maudit avant, conclus-je

-Ça va nous prendre un nom, fit remarqué Jeep. Moé j’appellerai ça The Bandits, c’est comme le contraire de The Police.

Bison était plus terre à terre.

-Qu’est que vous penser de Hoffman? Comme le nom de notre rue. J’ai toujours trouvé que ça flashait.

Fanroi, perplexe, proposa son idée.

-Tsé, ça nous prendrai un nom d’animal, comme les Beatles mais plus hot.

Nous firent alors l’énumération des bêtes les plus méchantes du règne animal : les tigres, les scorpions, les lions, les requins, les tarentules, les carcajous, les pirrhanas. Rien ne semblait coller.

Les aigles, suggéra Fanroi.

-Ouin, les aigles c’est bon pis ça va faire des t-shirt full beau, ajoutai-je.

Jeep semblait conquis. Bison avait cependant une réserve.

-Faudrait un nom en anglais par exemple si on veut pogner partout comme les Beatles.

-Aigles, c’est Eagles. The Eagles. Ça sonne ben, oui, confirma Fanroi.

L’idée était lancée. Un groupe de quatre avec un nom d’animal. C’est sûr que ça allait faire fureur. Officiel! Comme on disait à Charlesbourg à cette époque.

Je quittai le sous-sol puis la maison du trio pour rejoindre l’appartement familial et finalement ma chambre aux murs tapissés de poster pris dans l’hebdo Le Lundi. J’eu énormément de difficulté à m’endormir. Je fixai longuement le poster d’Anvil représentant une enclume en feu que mon père m’avait rapporté de son travail, à Place Laurier. Déjà, je me voyais sur scène à chanter pour les filles, en impressionnant les gars. Cette vison n’allait plus jamais me quitter. Jamais.


Le lendemain, j’émergeai du sommeil plus tard que d’habitude. Des élucubrations mentales m’avaient taraudées une partie de la nuit. L’absence de Marco à mon chevet matinal y était sûrement aussi pour quelque chose. Il était  assigné à sa chambre, vert de honte.

À cette époque, je prenais encore un petit déjeuner et les rôties au beurre d’arachides trempées dans le lait des mes Honeycombs firent encore une fois le travail. Le téléphone retentit alors que je me brossais les dents. Le gros Gre.

-Tu fais? Gromela-t-il.

-Te parles. Répondis-je avec un esprit de bottine.

-Viens-tu dehors, on pourrait se lancer la balle en attendant les autres pour une game, proposa-t-il.

-Ouin, c’est bon, j’pogne ma mite pis j’arrive, conclus-je avant de raccrocher le petit téléphone à bouton, symbole de l’avancement la technologie des télécommunications de l’époque.

Le ciel était du même bleu que le plafond de l’église Saint-Charles Borromée. Un bleu saint, un peu délavé. On se garrochait le globe de caoutchouc à poil jaune avec nonchalance.

-Criss Gre, si t’es pas capable de lancer dwètte , c’est moi qui va se mette dans le haut de la côte. J’cours comme un innocent.

-Moumoune!

Je lançai alors la balle le plus loin que je le pus mais rendu en haut de la rue, elle roula jusqu’en bas pour aboutir dans le gant du colosse sans qu’il n’ait eu à bouger son gros fessier.

-Ha! Raté!

Il s’apprêtait à me relancer la balle mais stoppa en milieu de motion. Son attention et la mienne furent portée sur les deux gros peupliers de Lombardie qui bordaient la rue, entre la maison des Fafs et le bloc blanc. Un homme équipé d’un attirail de bûcheron de course jaugeait un des deux imposants végétaux. Grelu s’avança alors pour le questionner.

-Allez-vous couper des branches monsieur?

L’homme toisa l’enfant géant d’un air ennuyé et daigna répondre.

-Pas les branches, tout. Les deux, jusqu’à terre. On va agrandir le parking du bloc.

Mon coeur de 4-H-gardien-des-ressources-naturelles se serra. Pourquoi couper de si beaux arbres? Résigné, nous nous assîmes  sur la chaîne de trottoir faisant face au futur stationnement. Le gros cave à la scie mécanique visiblement n’avait pas souvent couper d’arbre. Trois quart d’heure plus tard, le moment funeste était imminent.

-Ok les jeunes, bougez pas! gueula autoritairement l’assassin.

Quelques tours de chaînes plus tard, l’arbre quinquagénaire se mit à basculer d’abord lentement puis tomba d’un coup sec dans un fracas qui nous laissa pantois en raison de ce qui se produisit ensuite.

La silhouette d’un peuplier de Lombardie peut rappeler de gros balais de sorcières plantés dans le sol.  Les premières branches étaient au moins à douze pieds du sol ce qui empêchait pratiquement toute tentative de grimpe. On avait déjà réussi en se faisant la courte échelle mais les branches touffues et serrés offrait peu de possibilités. Toujours est-il que les deux balais grand format étaient situés juste derrière le troisième but de notre terrain de baseball de rue. Avec les années, une quantité importante de balles de tennis était restée emprisonnées dans cet entremêlement inextricable de branches. Nous disposions d’une grande perche pour en récupérer quelques unes, mais souvent l’opération ne faisant que repousser plus loin l’objet dans cette jungle sur pilotis. De plus, notre livre de règlements maison stipulait qu’une balle qui restait prise équivalait à un circuit. Ceci fit monter le nombre de balles perdues, chacun ayant tenté maintes fois sa chance.

Alors, lorsque le corps du premier vénérable s’affaissa en bordure de la rue, le choc libéra une douzaine de balles crottées qui se mirent à dévaler la rue. D’abord étonnés, éberlués même, puis enthousiastes, nous bondîmes en courant dans tous les  sens pour récupérer les balles. Le même manège se produisit avec le second. Quelle récolte. Toutes des balles à circuit.

Si, nous avions récupéré nos balles, qui en fait étaient souvent des restants trouvés autour du terrain de tennis du quartier, nous avions tout de même perdu deux amis, deux beaux arbres. La rue changeait tranquillement et nous n’étions pas au bout de nos surprises pour cette journée.

Le trésor fut disposé en tas dans la cour de Gre. Nous passèrent l’après-midi à jouer aux Olympiques d’été sur son Commodore 64, Le nec plus ultra des ordinateurs et le meilleur jeu connu. Mis à part Q-bert bien sûr. Vers 15h00, on entendit le moustiquaire de la porte-patio glisser.

-Y-a-t-y kekun?

 Gre beugla.
-Entre Bison, pis ferme la  passe, pis enlève tes souliers, pis va donc chier!

-HA HA HA! (rire général)

-Pour les fois que t’en fais des bonnes, dis-je amicalement.

Bison était excité. Eille, a-tu-vu, les arbres, coupés, les deux. J’ai fouillé dans le tas de branches pis j’ai rammasé sept balles. Cool heun?

-Ouin, on sait, va voir dans la cour, on a en au moins 25.

-Tu-vrai? Eille, c’est presque toutte des balles que mon père a ramené de son tennis, je vais voir pis les ramasser. Je vais les reconnaître, c’est les meilleures balles que mon pères achète.

Évidemment, pensais-je.

De toute façon, on s’en foutait bien, il pouvait bien toute les prendre. Elles allaient toutes servir pour le même usage. Soit baseball, soit hockey. On y était toujours.

-Ben oui, ben oui! Répondit Gre distraitement , immergé dans son lancer du poids virtuel.

Bison alla donc chercher son petit frère et, les bras chargés de balles, s’en retournèrent fiers comme des pirates en parade.

Cette journée marquée par la mort prématurée de nos deux nobles peupliers fut suivie d’une soirée on ne peut plus surprenante, voire troublante pour les petits roitelets hégémoniques de la rue Hoffman que nous croyions être alors.

Marco, enfin libéré du bagne de sa chambre et arborant un teinte presque humaine, vint me chercher tôt après le souper. Nous étions à nous lancer une des balles que nous venions de retrouvées dans l’amoncellement de branchages laissé par l’assassin quant une voiture nous fit cesser cet échange un bref instant.

La voiture ne fit pas que passer comme c’est souvent le cas mais se gara doucement devant le terrain vague. Un homme inconnu en sortit. Nous l’observions avec la curiosité des enfants qui attendent une surprise. Et elle vint. Du coffre de son bolide, il sortit une pancarte et une petite masse. Il se rendit ensuite sur le terrain vague pour y planter la chose et repartit aussitôt.
L’opération devait avoir duré  tout au plus deux minutes.

Inquiets et perplexes, nous nous approchâmes de l’affiche de bois car notre angle de vision nous interdisait toute lecture adéquate. Ce que nous y lûmes nous laissa pantois.

Va chercher les Nolettes, moi je vais rameuter Gre pis les Fafs, ordonnai-je à Marco d’un ton militaire. Faut qu’y voient ça, renchéris-je.

Quelques minutes plus tard, nous étions tous plantés là, comme attiré par la pouvoir hypnotique la pancarte.

TERRAIN À VENDRE
626-0706

Fanroi, duquel nous attendions tous une réaction intempestive, un verdict vengeur ou un appel à la révolte fut comme d’habitude fidèle à sa réputation belliciste.

-C’est une déclaration de guerre. Ben y vont l’avoir les caliss. Celui qui va acheter le terrain va en baver. Êtes-vous avec moi?

Comment être contre. Nous occupions et entretenions cet endroit depuis plusieurs années à en oublier que quelqu’un quelque part en était le propriétaire. Pourquoi le vendre après toutes ces années? Pour nous faire chier. Tout simplement. Tel était notre point de vue de petits empereurs frus.

Ce fut décidemment un été charnière. Les peupliers coupés, le terrain vague en vente et la rentrée venue et ma sœur, qui pour la première fois, ne fréquenterait pas la même école que moi. Elle ne le fit plus jamais d’ailleurs. Les Zursulines, très peu pour moi. De plus, ma mère se fit un chum, un gars sérieux,  avec une bonne job. Tout le contraire de mon père, toujours empêtré dans de compliquées histoires d’amour, de cul ou d’autre manigances.



Charlesbourg 1984

Sans le savoir, c’était le dernier hiver que je passerais dans cette rue qui restera mon alma mater même si mon passage y fut bref comparé aux autres de la bande qui y avaient fait leurs premiers pas.

J’étais en sixième, enfin. Dans la même classe que Fanroi. C’était mon pote, oui.  Au début de l’année, nous étions même en équipe, les deux pupitres collés . J’avais l’habitude d’être le meilleur de la classe et Fanroi était aussi fort quoique plus nonchalant. En quatrième, alors que nous n’étions pas dans la même classe, j’avais gagné un concours d’écriture du Journal Le Soleil, une sorte de compte-rendu d’une journée d’activités artistiques organisée à l’école. Devançant les grands de sixième, j’avais été publié en gros caractères, dans le cahier pour enfant de l’époque, Crayons de Soleil.

Il avait aussi été publié mais en petits caractère. Mon texte était bon mais surtout, plus long. En plus que lui, il disait que son meilleur moment était sa rencontre avec le professeur Toutenson, le prof de musique de Gronigo à la télé. Tellement pas son genre. Licheux. Il me reprochait alors et le fera longtemps, de trop aimer l’école et surtout de mettre un temps fou à faire mes devoirs et travaux. Comme on dit, j’en mettais plus que le client en demandait.

De toute façon, nous avions été détrônés deux  semaines après le début des classes. Un matin, Gaby, notre masculin prof, d’un ton solennel et autoritaire, nous présenta une petite nouvelle qui débarquait de Montréal.
Une belle grande blonde aux cheveux aux fesses. Moi, je remarquai immédiatement son cul sculptural presque aussi parfait que celui de ma Nancy suprême, dans ses jeans hyper serrés avec pas de poches. Je succombai.

Devant la pamoison évidente de Fanroi, je consenti à  lui laissé le champ libre, ce qui était inutile vu sa grande timidité avec les filles, mis à part avec ma sœur. Elle, sa soeur plus jeune était de l’âge de Jeep et était d’une beauté totale. Elle fait maintenant les pubs de sa propre entreprise de pneu à la télé de Québec. Elle est encore pas pire.

Pour ma part, j’étais aux anges question fille. Les deux plus belles, selon moi, étaient réunies enfin, toutes deux, dans ma classe. Mes deux Nancy, une grande brune et une petite noire à la mode de 1984. Un K-way rouge pour la noire, un bleu pour la grande. Des espadrilles blancs et les fameuses jeans avec pas de poches qui nous présentaient leurs postérieurs comme des fruits turgescent à la peau parfaite. Contrairement à aujourd’hui où l’on peut voir l’effet de la somatropine des viandes d’élevage sur les poitrines en devenir, il n’y avait qu’une seule de nos compagnes affublée de seins. Des gros à part ça. On trouvait ça presque étrange. Même sous un épais coton ouaté, la pauvre avait peine à cacher se deux obus d’amour. Évidemment Marco, aussi dans notre classe, jeta son dévolu sur elle et se vanta de les avoir vu, et même d’avoir pu les peloter.

C’est sans doute la raison pourquoi,  devant cette quasi absence de signe pubère chez les filles de notre âge, les fesses restaient l’attribut féminin le plus significatif pour ma sexualité naissante. Dans mon cas, cela faisait longtemps que ma venue au monde sexuelle avait eu lieu. Je me souviens avoir eu des phantasmes érotiques impliquant deux de mes nouvelles camarades à la  première journée de la première année du primaire, Il y avait cette pulpeuse blonde bien roulée qui s’appelait Vachon et une brune envoûtante au nom de Lafrenière. J’imaginais donc que la maîtresse nous laissait, elles et moi, vaquer à des occupations plus excitante en classe.
Dans le petit coin de lecture aménagé au fond de la classe, sur des coussins carreautés, tout nus, je régnais sur mes deux esclaves sexuelles avec fermeté. Je tairai par contre les détails de mes vices enfantins, au risque de frustrer les plus pervers que moi.

À rebours, je constate n’avoir rencontré qu’une seule personne m’ayant confié avoir eu le même genre de pulsions précoces. Je voyais bien que les autres garçons n’était pas aussi portés vers le sexe mais comment en être sûr vraiment. Ce n’est pas le genre de discussion qu’on des gars de sixième et jamais n’ai parlé de filles avec Fanroi de toute façon.

J’avais par contre le loisir d’aborder le sujet fréquemment avec mes deux nouveaux potes, Dave et Donald. Alors que tous étaient regroupés en équipe de deux, je fis tout d’un coup partie du seul trio de pupitres de la classe. Qui plus est, il était presque collé au  bureau du professeur, endroit  inhabituel pour la tronche que j’étais. J’avais donc émigré du fond de la classe où j’étais en équipe avec Fanroi vers l’avant, lieu privilégié des cancres, des quasi-mongols et autres lunatiques. L’événement avait fait suite à une campagne de terreur mené à mon endroit par Fanroi.  Trouvant ça sûrement bien comique, il avait usé de l’emprise naturelle qu’il exerçait sur autrui pour  me rendre la période de récréation infernale. Pendant le premier mois de l’hiver, je n’ai pas dû avoir ma tuque sur la tête plus de dix minutes et lorsque je l’avais, elle était rempli de neige mouillée. Bouillons, bousculade, bascule, les sbires de Fanroi exécutaient tous ces désirs de persécutions sans qu’il n’ait à lever le doigt, pouvant ainsi rester à l’écart à se bidonner fermement, la face toute rouge.

Je m’en aurais sûrement plaint si Fanroi avait agi de même façon lors de nos joutes de hockey de rue mais il avait un comportement tout autre hors du contexte scolaire. Ses frères n’étaient bien sûr pas en mesure de me terroriser comme le faisait si bien les pauvres limaces qui suivait ce baveux en chef dans la cours de récré. En vérité, c’est une de mes admiratrices secrète qui s’en ait chargée. Peut-être même une de mes Nancy. J’ai toujours imaginé que c’était une fille qui avait dénoncé les agissements de Fanroi. En fait, je connais son nom : Geneviève. Quoiqu’il en fut, le digne Gaby, notre prof, sauta conséquemment sa coche et enguirlanda Fanroi en pleine classe pendant une bonne demi-heure afin de bien marquer les esprits.

Fanroi ne broncha pas. La flux de réprimandes semblait galvaniser davantage sa carapace de petit semi-tyran. Imperméable à ce sermon, je l’imaginais préparer sa vengeance. Or, Gaby étant un fin lecteur des âmes, avait bien compris cet aspect du personnage et afin de me protéger, m’avait placé en équipe avec les deux autres mâles alpha de la classe, soit les deux sportifs. En fait, ils excellaient principalement en deux activités. Premièrement, ils étaient les meilleurs au ballon prisonnier, étant les capitaines de leurs équipes respectives et du harem en découlant, sans blague. Et, la deuxième étant le corollaire de la première, ils étaient les coqueluches de toutes les filles de l’école. Comme si la capacité de garrocher un ballon en pleine face de ton vis-à-vis était la plus grande des qualités recherchées chez les gars. L’arrangement était donc le suivant. J’aide mes camarades dans leurs études et travaux scolaire et en contrepartie, ils deviennent mes gardes du corps.

Le stratagème fonctionna complètement et en bonus, je gagnai le respect de Fanroi et une nouvelle image auprès des filles, la tronche cool en quelque sorte. L’hiver se déroula ensuite sans anicroche. Ou presque.

En fait, notre nouvel ennemi, l’acquéreur du terrain vague, avait entrepris de construire les fondations de sa bicoque juste avant les premières neiges. Vu que l’hiver était particulièrement sec cette année-là, il avait même pu les compléter. La résultante était la perte directe d’une aire idéale pour la construction de nos forts. À chaque hiver, au centre de ce terrain, poussait une petite montagne de neige soufflée par les machines. De la neige compacte et dure dans laquelle on avait déjà construit un igloo ou plutôt creusé un quimzy. Ce chapitre récent dans le conflit latent entre l’heureux propriétaire et nous avait inspiré Fanroi. Ce fouteur de trouble portera désormais le nom de Bozo.

Nous étions plus frustrés que tristes. On nous vole notre îlot de verdure et l’hiver se cache, se laisse désirer.  Le temps inadéquat ne faisait que rajouter l’insulte à l’injure pour les hockeyeurs sur macadam que nous étions.

Notre grande sagesse pré pubère ne viendrait sûrement pas tempérer ce sentiment d’injustice. Vengeance ciboire!

Un peu avant Noël, en cette année qui voyait le clip de Thriller marquer son époque (Rajotte fit jouer tout l’hiver à l’émission Radio-video, sur le câble Cogeco), la neige tardait donc à recouvrir les pelouses de l’avenue Cloutier à une époque ou le réchauffement climatique rimait encore avec un simple redoux.

En  fin d’après-midi, à la sortie des classes,  le temps était toujours gris et venteux. Trop froid pour le baseball, la météo ne nous incitait pas non plus à sortir notre équipement de hockey. Désoeuvrés, lambinant, nous remontions la côte vers la 76e rue afin de rejoindre la rue Hoffman. Gre, Marco, moi et les Nolettes  portions tous un sac Adidas de couleur différente sur l’épaule, mode de l’époque oblige.

En passant devant le Texaco, nous remarquâmes une voiture clinquante. Sur le côté du garage étaient stationnée une Corvette verte métallique d’un modèle assez récent. Vu que nous passions toujours par le terrain du garage pour prendre un raccourci menant directement au terrain vague, les garagistes ne se souciaient pas de notre présence outre mesure. Cette fois-là n’y fit pas exception. Hors de leur champ de vision, nous passâmes en revue les différents rebuts entassés pêle-mêle afin de voir si un quelconque Graal  n’y avait été balancé. Nous avions déjà fait œuvre de récupération en transformant de vieux pneus en siège pour nos igloos. Le fessier bien calé dans un pneu, nous pouvions papoter des heures sans se geler l’entre fesse.

Marco, que Fanroi surnommait Narcisse Lajoie, nom d’un clochard mythique, en raison de sa propension à farfouiller dans les ordures afin d’y trouver des choux gras, mis la main sur un catalyseur déconfit qu’il utilisait tel une masse d’arme.  Les tuyaux dans la main, il faisait tournoyer l’objet tel un Bruce Lee mongoloïde. Il n’en fallait pas davantage pour éveiller la malice de Fanroi qui mit au défi notre karatéka d’opérette. Sa mission : détruire, briser, vandaliser. L’objectif : La Corvette verte, garée à l’abri des regards en attendant je ne sais quelle opération mécanique. Sans réfléchir plus d’une seconde, (le contraire aurait été une première, notre Chuck Norris des pauvres), d’une motion exagérée, point d’orgue d’une chorégraphie martiale presque crédible, envoya percuter violemment sa masse d’armes maison sur a fibre de verre verte du bolide.
Le  résultat fut à la hauteur de nos attentes et il ne resta plus qu’à prendre nos courtes jambes à nos cou en fuyant par le passage derrière les haies et les clôture des fonds de cours, sorte de mini no man’s land  linéaire.

Rire à en pleurer, jusqu’à ce que les zygomatiques te brûlent et le diaphragme devienne douloureux. Étrange de sens de l’humour, certes. La profonde rayure sur la Corvette n’était cependant pas le sujet de cette rigolade mais plutôt l’incorrigible impulsivité de Marco, qui encore une fois avait suivi aveuglément les directives machiavéliques de Fanroi. Aussi, ce genre de petits méfaits nous donnait l’impression de vivre, d’avoir une vraie prise sur le réel. C’était faire une courte escapade dans le monde des adultes en leur signifiant notre présence d’une manière qu’ils ne puissent ignorer. Imposer sa présence dans l’arrogance de la petite violence matérielle.

Dans ce cas précis, nous n’en avons jamais entendu parler. Le Gino, tel notre imagination le concevait, ne nous suspectait sans doute pas car ignorait notre existence. Il faut souligner ici que d’autres du même acabit  nous avaient déjà donné du fil à retordre, notamment le gros Maurais, un baveux, amis du grand frère de Nath qui se plaisait à nous invectiver et rire de nous dès qu’il descendait de son horrible muscle car brun sapolin, la bedaine d’abord. Un autre, plus hargneux, nous avait poursuivi à pied une fois que sa camaro eut reçu un des nombreux cônes de pain encore verts que l’on lançait sur els voiture, cachés derrière l’immense arbre du sis au coin de la rue. Dans le fond d’une cour, en plein noirceur, il avait mis le grappin sur Simonak, lui laissant une profonde marque au cou. Mais, ce genre d’événements n’était pas pour freiner nos vandales ardeurs. La soirée était encore jeune. Jeunes, nous l’étions. Presque enivrés. Fous. Libres.

Toujours en possession de l’arme du crime, Marco, maintenant mû par son éternel désir d’en mettre plein la vue et de démontrer son intrépidité, fila son chemin jusqu’au bout du terrain de Bozo, en se faufilant le long des haies de la maison du docteur. À une quinzaine de pied, derrière la clôture de grillage métallique s’élevait un complexe d’appartement semi luxueux, pompeusement nommé Le Château. Nous pouvions donc contempler 5 étages de balcons de béton et de portes-patios. Un peu la mode condo drabe en béton et toc avant l’heure. Poussé par les encouragements et les rires de Fanroi, Marco lança l’objet contondant dans la porte patio la plus proche. L’effet obtenu fut lui souhaité et l’air froid et humide de l’hiver s’engouffrait maintenant dans le salon que nous imaginions cossu.

Le moment qui suivit, la fuite,  est de ceux qui génèrent en nous une excitation sans limite, un buzz d’adrénaline instantané. Le vandalisme, dans le fond, était notre sport extrême à nous. Du moins, nous en tirions assez de plaisir pour vouloir tout de suite réitérer la chose. Dans une frénésie inexplicable, je me joins à Marco pour tirer de la caillasse sur la maison des Fafs. Mon premier tir, un petit projectile gros comme une bille ordinaire, atteignit le toit. Rajustant mon tir pour un deuxième caillou de même grosseur, j’atteins la grande baie-window du salon, produisant pour tout effet, un petit bruit de choc mais, aucun dommage.

Or, ce n’était pas là mon intention. A posteriori, je crois que je voulais excité davantage l’instinct de destruction de Marco en lui offrant de la compétition. Et, effectivement, il ne se laissa pas damer le pion. Saisissant la plus grossw roche qu’il put trouver, il s’élança tel un Bill Lee en crise de nerf et atteignit la grande vitre en plein centre. Le verre bien solide ne céda pas mais une immense fissure étoilée se dessinait maintenant sur la surface polie. Le résultat nous surpris tant qu’il clôt notre petite cavalcade nihiliste et nous courûmes tous nous réfugier dans nos demeures respectives. Nous ne pouvions pas aller plus loin sans risquer de se faire prendre.

Ce que nous en savions pas, c’est que Ti-Faf, bien évaché dans le sofa, écoutant distraitement la télé à travers ses fonds de bouteilles, n’avait rien manqué de la scène et des protagonistes impliqués. Alors, lorsque rentrant du travail, son vieux fous de père constatât les dégâts, ti-Faf n’eût d’autre choix que de vendre la mèche. Chose qu’on ne pouvait, bien évidemment,  pas lui reprocher.

Quelle ne fut pas ma surprise quand un policier débarqua chez moi. Ti-Faf Ayant désigné Marco comme coupable, il avait reçu préalablement la visite de ce police et, pressé de livrer des possibles complices, il ne cita que mon, nom, alors que l’étincelle de la plupart de nos conneries était bien sûr Fanroi. L’agent m’expliqua que Marco, suite à des aveux et une promesse de rembourser, m’avait pointé comme deuxième coupable alors qu’aune de mes cailloux n’avaient causé de dommage. Spontanément et dans une tirade ratoureuse dont je suis encore fier, j’eus la présence d’esprit de répondre quelque chose qui ressemblait à cela :

« Vous avez donc trouvé votre coupable. Un vandale, un menteur, un voleur, tout le monde sait ça. Ce n’est pas la première fois que vous l’arrêter d’ailleurs. Alors, comment croire quelqu’un qui n’est pas fiable et menteur. En plus, il ne vous l’a pas dit, mais il a aussi cassé la fenêtre du Château »

Quel couillon je fus! Mais, quelle habile parade par contre. Vu  que le coupable était désigné, il était bien inutile d’en trouver un second. Aussi, il est clair que la parole d’un criminel n’a aucun poids face à celui d’un petit gars sage comme moi, prêt à vendre son ami pour se sauver des conséquences de ses actes. Or,  confronté à mon argument, le constable de Charlesbourg ne put aller plus loin dans son accusation. Mais, sachant bien que j’avais tout de même quelque chose à voir avec l’histoire, m’emmena m’excuser auprès du locataire du Château dont ont avait amélioré l’aération du salon. Ce que je fis dans la plus grande honte mais tout de même à demi content de m’en être sauvé. Sauvé surtout de la punition attendue si ma mère n’avait pas cru mon histoire. Dans cage d’escalier du Château, je croisai Marco qui revenait, piteux, de faire ses propres excuses. Il avait les yeux rougi. Il semblait tellement désolé. Moi, je n’ai pas pleuré.

12.1.15

Pulsions pornoéthiques et autres cochoncetés




XXXL

Hache en forme de cou

derrière la tête

Machettes de génocides 

dans les poches

Fins crachins des toux définitives

Coupe-moi ça court.

Fais ça propre.

Faux  bonds à tout rendez-vous

gantés de caoutchouc

malheureuse catin des espérances avortées

le gin tonic

simulation de cancer

Qu’à cela ne serve!

et je m’encule au pied du mur de mes lamentations muettes

conscrit et contraint dans la platitude des soirs emboucanés

l’anti-dictateur en bedaine, les barniques  XXXL.




 
L’égout des corps
 
Fumées rouges des égouts qui parlent
y coule l’hémoglobine de toutes les poules de luxes
Les limousines sont des tanks, des 4 par 4 camouflés pour être vus
pour prospères couillus, quatre as truqués collés au cul
Les escortes anorexiques sont à quatre pattes,
sur des genoux de gales qui décollent
offrant leur vulves adolescentes comme des faciès vénusiens
 
Un criss de flat d’ego
 
Les valets parking ont des sourires de crystal meth
La gadoue a la couleur des anus bien cuits
Les os s’écoulent dans l’épuisement
Ma truffe de porc farfouille le sillon du seins des seins
chaque orifice, fentes d’effluves sucrée salées, 
chaque dépression joyeuse, convexité moelleuse à la paire,
sources vives de sueur, réceptacle des fluides en fuite
Je cherche la coupe
J’ai une calisse de soif
 
Couper dans le bois
 
Les raccourcis secrets des amants psychopathes qui crapahutent
en proie à la quête dans le non-sens des terres vierges
où les clairières sont des lits de sable meuble
Tant que les cadavres sont chauds
 
 
Animal d’horoscope
Les cieux et les autres truies me servent la plus dégeuse des poutines atomiques
La seule cellule cérébrale survivante faisant une rechute d’éros
Chute du corps en funestie
À peu près près du prés des plaisirs
L’esseul
Le fou cru
Le soleil nu
Cocu dans le ciel des cierges en godemichés pour gourous
Les tites culottes à terre
Les bâtons de prières volent bas
Bien bas
Rien qu’un cas s’évaporant dans les entékas pitoute
Éclaboussante dégrimboulade bigcrunchienne
Ris pas
Pas drôle
Animal d’horoscope
 
 
G .G.
Notre grand leader manie ses gosses comme des boules chinoises
un caca d’ado psychotique rocking chair de l’apocalypse
Péteux de câble débalancé s’embruntant son SM 58 fucking edition
en chantant
ou non
C’est selon
 
Mon vit pour lui
En lui
Aille et ouille ah!
 
Les doctateurs sont des porcs et des goujats
Dehors et dégâts déjà tous déviargés
La cenne pétée en éclats de métaux spatiaux
Dérivant entre l’astéroïde et sa surexistence
Il est mort
Hémorroïde du monde
Un jour nous viendront tous grignoter les vésicules
du chef
 
 
Je bande
Même dans la glace
chère,
si vous,
salope,
sucez bien à votre place
 
J’écume en sauvage
cher
grand loup
je stoppe
dans un prés à bon fourrage
 
Les yeux d’un croisé
chair
en feu
vers vous
galope
vous galoperez à cheval sur sa queue!
 
Je pine plus fort
Cher
bon trou
mis au propre
mienne à mort
 
Au creux du cul
Cher
minou
mon top
jusqu’au bout
 
 
Je vous graine
 
Les fourrages sont faits
multiples
lieux  de mutilations des désirs escarpés
écorchant les genoux à l’os
et la battue de bites se bute au massifs mammaires
la vallée d’entre tous les seins accueille la crue
serpente, ruisselle,  perle l’eau qui coule des couilles dégorgées
emplit l’oued humide
pluie espagnole sur ma poupée adorée
je te conquistadore
Cajole ton cul pentu dans l’escalade érotique
Jusqu’au sommets des gouffres sans bas-filet
Le paysage est à nu, aride réceptacle avide de toutes les averses
sentier retors dans la plaine perverse, jusqu’au con de Vénus
jus’au cou, jusqu,au col, jusqu’au fol envie me pendre par les pieds
sexe-ronce
utérus d’épines
Vagins des urticaires utiles, démangeaisons chroniques des vulves inviolées.
Je vous graine.
 


 
Manger les filles

 Je suis l’amant de toutes les fleurs

Les petites lèvres en forme de cœur

J’aime les roses orgueilleuses

Un peu baveuses

Quand j’hume les effluves fauves

Des petites chattes qui se sauvent

Caché dans les touffes en pelote

Je rase motte

J’aime manger les filles

Avec un glace à la vanille

J’aime les manger pas de cerise sur le sundae

Manger les filles

J’aime l’odeur des crevettes thaï

Moules en cocotte avec de l’ail

Un bon tartare de truite fraîche

Une bouillabaisse

J’aime manger les filles

Avec un glace à la vanille

 

Et pour dessert si elles aiment ça, un macaron au chocolat…

 

 
Pique-nique

Salon bleu des partouzes oratoires publiques

Les mots courts frappent et déboussolent les coqs en croûte

Cornets de crottes en pâtes croqués dans la haute fritures des cabinets

La mayonnaise des grands masturbateurs

Le choix des présidents en porte-jarretelles

Des rois sans nom en fuck me boots

Dans les bacchanales rhétoriques subliminales

Les fous d’effroi se fellationnent dans les lobbys bondés

En complet trois-pièces, se caressent les couilles sous la table du conseil

En tailleurs griffés, se passe la parole comme un doigt

d’honneur

Pause pizza

Frissons des graisses calorigènes sur les foufounes ministrables

La misère de chair de poules en cage

Les ailes qui piquent du nez

Guillotinés partis sur la galipote circonvolutive

Cirque vicieux des arènes d’asphalte ben dure où les chars révolutionnent

Viva la pompe à gaz

La morue à la nage et les moules en cocotte

Te donne mon vote si l’urne est une belle plotte propre

ou non

L’avantage d’être clair

Avec le poil

Touffue

Toute flamme

Pique-nique-moi!

 

 
Prêtresse

La fatigue ontologique des satyres fait la bandaison lasse

L’érection du réel achoppe et le germe reste en terre

La graine pourrit

molle

morte née dans ses bobettes d’humus sec

Mildiou gonorrhéique rongeant les prépuces d’espérance

La gangrène est une prêtresse ivre morte

Brandissant la lame maculéé 

infectieuse

Toutes les circoncisions sont ratées

Sauf si avec les dents

Incisives elles seront

 

 
Flatuosités

Ferme ta gueule quand tu manges ta marde

La bouche pleine d’égout

Dépoli

Phallustre

Je me masturbe des plaintes des martyrs

à temps plein dans le vide des rues

Doléances irrecevables au parquet des paissant moutons de ma purge

plus que puissante envie de chier sur le monde

tout le monde

l’étron mondialisé

Chape de fèces s’échappant des fesses furieuses

pour en finir avec le réchauffement chimérique

Déchirant le silence comme la salope s’arrache son string

Prout tabarnac

 

 
Torche
 
Et les chattes jouissaient dans nos sommeils

Les orgasmes sauvages

le summum

 
L’homme que j’essuie

torche

 

Pénisville
 
Panorama plus que plastique de toutes les érections solides

L’urbanité testostéronale des mâles de tout l’alphabet grec

Vision d’un champs de psycho-phallus de béton en armes

verres trompeurs pour secrétaires sodomisées des pauses café

Massues arrogantes , verges bandées vers le ciel qui jute son jus acide

S’érige le body building dans sa capote de smog

Gratte-ciels de proue gréés pour la guerre de mes gosses

Capitaine des corsaires violeurs de masses, Harvard style

Hérissés d’antennes vers les encumulo-nimbus en silicone

Parc des piercing péniens magnifiés

 

Gargantua des gang-bang perpétuels

émetteurs sans césure d’ondées de semences invisibles

éjaculats fumeux dans l’atmosphère subarctique des vestibules des villes nymphomanes

bien baisées de 9 à 5

fourrées de 5 à 7

jusqu’au matin nauséeux closant les nuits abusives

pinées par tous les fous

et mangées goulûment

par le grand méchant cunnilincteur en série

qui nous bavent dans le cou

Jusque dans la raie

stop

 

Lumière nue

Écartèlement cosmique des suicidés de raison

Photon copié à l’infini

Tous les trous ne sont pas noirs

les bruns   les roses     les rouges

perlant de sang

Salive céleste et mucus de comètes

PH des sanies sin corporates

Cités des saturnales KYless

Ville des vidanges diaérrhiques

La rue est une bol d’étoiles totale

Gravelures du macadam en robe d’espoir pour les ratons orphelins

Engeance rongeant les câbles survoltés des clubs pactés

fourrés d’or cru

Mine des maniaques de la pioche

Mineurs du VIH

Dévaccinateurs des tourbières de tétanos

Où le mou s’endure mieux dans la raideur des extrêmes

 

Petite princesse de la poisse

Les molécules odoriférantes et sucrées des cuirs orientaux

L’âpreté sur le bout de la langue

L’heure du thé servi dans l’escarpin tenu pour mort de la fugueuse évanouie

apprentie Junkie bling bling exotisante

Égérie des Tim Hortons à temps plus que partiel

en bas de barbelés, déchirés de tatouages à coucher dehors

Frappée par la peur, 100 milles à l’heure, victimes de la déroute

Tous les gros chars du boulevard lui ont passé sur le corps

une fine crêpe en chaos de couleur

Chatte des basses-fosses en purée

Trop démaquillée, nue jusqu’aux tripes

Les Hummers passent et s’en crissent

S’en lavent les pneus au détour

Marche arrière et repassent

repassant les spleeping bags des esseulés de ruelle d’un coup de pédale

 

Matelas carton gaufré, baldaquin de polythène opaque

La petite fille est allumée

La brûlure chimique des amphétamines prisées

Rien avoir, rien à faire, presque rien être

Presque bien, toujours mal

Au cœur, aux jambes, aux yeux, la tête dans les poumons

Se décoller la plèvre à grands coups de pipe de verre

La dope linceul des chevaux sans brides

Dans la fulgurance des regards comme des fous neufs

Logorrhées insignifiantes dans la refonte des principes primordiaux

Auto utopie

Être propriétaire de soi-même comme de son propre esclave

Se vendre à rabais, racheter ses services

Pompeuses sadomaso dans le libre-sévices des banlieues aux milles et une orgies

S’auto mutiner par la bande